A deux pas de l’enfer
Le Castor astral, « Poésie », 2024.
« Pourquoi suis-je encore là à vouloir extraire de mon être ce qui aurait quelque chance de « faire sens » ? »
Loin d’être l’aboutissement d’une œuvre, ce nouveau livre tend une main pleine d’espoir vers un avenir meilleur.
La Terre est une orange amère
Le Castor astral, « Poésie », 2023.
Ce manifeste contre l’obscurantisme et l’intransigeance d’où qu’ils viennent tire dans les pattes de toute forme de violence, porte la pensée dans la plaie, stigmatise la bêtise et la tyrannie, la prétention, le faux sérieux. Laâbi célèbre aussi le rire, la beauté, le grain des choses, la vie, allant jusqu’à aider le lecteur dans ses tentatives d’évaluation personnelle, comme une petite lampe qui garantit la lucidité dans la tempête. Des pages souvent bouleversantes, écrites à l’encre grise du désarroi, mais qui espèrent encore, peuvent se lire comme des leçons sans morale que l’on n’oubliera pas de transmettre aux jeunes gens en âge de débattre de leur chère liberté.
Béatrice Libert
Le Journal des poètes
La poésie est invincible
Le Castor Astral, Poche/poésie, 2022.
Préface et Carte d’identité poétique, de Jacques Alessandra.
Accompagné de quatre photos.
J’ai deux langues
Dans l’une
j’écris avec de l’encre normale
Dans l’autre
j’écris
entre les lignes
avec de l’encre invisible
Presque riens
Le Castor astral, 2020. Illustration de couverture : Mohammed Kacimi.
Dans ces Presque riens, Laâbi se tourne vers son passé, se souvenant de son père, « dans son échoppe/ d’artisan sellier à Fès » , et se projette dans l’avenir quand il se demande : «… Que restera-t-il de ce qu’il a écrit/ disons dans cinquante ans ? » L’heure est aussi de dresser la liste des regrets, comme celui de « ne pas avoir eu la témérité/ de m’évader de prison/ pour faire la nique au tyran/ et vivre jusqu’à l’ivresse de la folie/ les huit ans et demi qu’il m’a volés ». Mais c’est aussi un livre d’aujourd’hui, dans lequel le poète promène sur le monde un regard plein d’optimisme : attitude peu aisée, convient-il, et qui relève même, dit-il, d’un « sport/
de haut niveau » .
Libération
L’Espoir à l’arraché
Le Castor astral, 2018.
Les cinq sections qui organisent le recueil — La coupe – Face au désastre – Le poème, comme il vient – Elle – Acquit de conscience — forment un ensemble organique. Les poèmes ne se juxtaposent pas, ils s’interpellent. Tressaillements de la même humanité, issus du même mélange d’espoir et de tragique, pétris au même refus de l’intolérable, ils dialoguent, se relancent d’une page à l’autre dans un voyage unique vers la lucidité. L’écriture fonctionne comme une deuxième nature, permet au poète de tirer argument de sa propre expérience jusqu’à se réinventer, redevenir « analphabète » de lui-même et des autres. Ainsi chaque poème de L’Espoir à l’arraché réactive en lui tous ses possibles, le tire vers une fraternité neuve, l’ouvre et nous ouvre à la conscience hospitalière du monde.
Jacques Alessandra
Al Bayane (Casablanca)
Le Principe d’incertitude
Editions de la Différence, 2016.
Le Principe d’incertitude n’est pas un énième recueil de rimes à la demande, ni un espace supplémentaire pour suffire aux déploiements de l’ego du poète. Il s’agit d’un concentré de missiles laconiques de celui qui, conscient de l’inutilité du verbiage, en finit avec les longs discours. Combien de pavés faut-il pour exprimer le dégoût? La lassitude ? Un poème suffirait :
Je suis encore là
vivant je crois
si peu vaillant
«Être ou ne pas être»
n’est plus ma question
Il y a plus inquiétant
une interrogation qui me brûle les lèvres
et que j’ose à peine formuler :
Me suis-je trompé d’humanité ?
Fadwa Misk
La Vie économique (Casablanca)
L’Arbre à poèmes (anthologie personnelle 1992-2012)
Préface de Françoise Ascal. Editions Gallimard, 2016.
La poésie de Laâbi est incarnée, vibrante de toutes les passions humaines, elle va droit à l’essentiel, n’a peur de rien, se joue des modes esthétiques, de l’air du temps, du politiquement correct, elle témoigne avec simplicité de ce qui est complexe, elle explore sans répit la condition humaine, entre misère et grandeur pascalienne, et souffle sur nos capacités de résistance comme sur des braises.
Cette poésie s’engage mais fuit les mots d’ordre. Elle cultive la colère autant que la douceur, la révolte autant que la compassion. Elle pratique l’humour et l’autodérision mais ne craint pas d’affronter avec gravité les questions métaphysiques. Elle se tient debout face aux turbulences — qu’elles soient historiques ou intimes. Bref, entre ses vers, court une invite à ne pas céder.
Françoise Ascal (extrait de la préface)
La Saison manquante, suivi de Amour jacaranda
Editions de la Différence, 2014. Avec 13 encres de Claude Margat.
La Saison manquante et Amour jacaranda ont une troublante gémellité. Aucun thème n’est fermé sur lui-même. Ils s’ancrent au plus intime de la condition humaine. Il en va ainsi des métaux rares de l’amour, qui ne peuvent se fondre que dans le creuset où la vie et la mort connaissent la même transmutation. Il en va ainsi du combat incessant pour la liberté qui, sous peine de se scléroser, devra se faire impertinent et, pourquoi pas, jouissif. L’inattendu cher à l’auteur prend ici un tour paradoxal : il consiste en une sorte de fraîcheur de la maturité.
Zone de turbulences
Editions de la Différence, 2012.
Quelle est cette « zone de turbulences » objet du nouveau livre d’Abdellatif Laâbi ? L’intérieure, à laquelle l’œuvre de ce poète nous a régulièrement conviés ? Celle que traverse aujourd’hui, avec des heurs et malheurs, l’humaine condition ? Celle où notre planète se trouve emportée et dont le dérèglement climatique est un des signes les plus patents ? Pour pertinents qu’ils soient, ces questionnements n’épuisent pas la matière ample, presque démesurée, de ce livre où la poésie reprend parmi ses droits premiers celui de narrer l’aventure humaine en vue de la transmettre. La langue, pour ce faire, brasse différents registres, de l’aphorisme au trait d’humour, de l’indignation abrasive jusqu’au chant aux résonances de cantique.
Œuvre poétique II
Editions de la Différence, 2010.
Dans sa préface à l’Œuvre poétique I, publiée précédemment par les Éditions de la Différence, Jean-Luc Wauthier aboutissait à l’appréciation suivante : « L’œuvre de Laâbi forme une continuité spirituelle qui exige d’être prise dans sa globalité fondatrice. » C’est donc en bonne logique que ce deuxième volume voit le jour. Y sont repris les recueils que le poète a produits depuis le début des années quatre-vingt-dix jusqu’au milieu de la présente décennie. En usant de la métaphore de l’arbre, on pourrait affirmer que le volume I est celui où, de cet arbre, nous ont été révélées les racines profondes, enchevêtrées, ainsi que la nature de la terre humaine qui les a nourries. Avec le second, c’est à la fois sa stature réelle, sa frondaison, ses fruits doux-amers et jusqu’à l’ombre qu’il dispense qui nous deviendront familiers.
S’il y a une force évidente de la poésie de Laâbi, c’est qu’elle parle immédiatement, de l’intérieur, à celui qui l’accueille. La seule matière dont elle est pétrie, c’est l’humain qui n’est étranger à personne. Et c’est par cette proximité-là, et non au moyen d’un art qui n’a d’autre finalité que lui-même, qu’elle touche à l’universel.
Tribulations d’un rêveur attitré
Editions de la Différence, 2008.
L’essentiel d’une œuvre comme celle d’Abdellatif Laâbi réside bien dans ce qu’il nous reste à découvrir d’elle autant que dans ce qu’il lui reste à découvrir de nous. Gagnée sur le chaos, bâtie sur les ruines de soi et du monde, sa poésie, comme toute création véritable, a quelque chose de l’intuition, de la connaissance spontanée, de l’irrationnel. Un livre, un poème, un tableau, sont des possibles à portée de main, à portée du délire. Et à une époque où l’amoralité et l’arrogance ont force de loi, on a besoin de rêveurs et de la terre de valeurs qu’ils promettent. Créer est décidément un acte politique. Un acte de résistance.
Jacques Alessandra
Mon cher double
Editions de la Différence, 2007.
Avec Mon cher double, Abdellatif Laâbi enracine le double au cœur de son quotidien. Il y devient une sorte de présence facétieuse que le narrateur n’ose remettre à sa place. Et c’est bien de place qu’il s’agit, de siège, puisque le poète reste debout dans sa chambre, face au double qui s’est installé sur sa chaise. Pire, il se mêle des mots du poète et s’insinue dans la part la plus intime de lui-même.
Le poète explore ici les modalités du double avec une lucidité teintée d’humour, d’ironie qui traverse tout le recueil avec beaucoup de force.
Cécile Oumhani
Œuvre poétique I
Editions de la Différence, 2006.
Avec ce premier volume des œuvres d’Abdellatif Laâbi, éditées ici selon l’ordre chronologique, le lecteur va pouvoir suivre enfin la genèse et le déploiement d’un destin poétique hors norme, marqué au fer rouge de l’Histoire. Si un tel destin a pu toucher, au cours des trente dernières années, un lectorat de plus en plus large et fervent, ce n’est pas simplement par la charge des épreuves et la levée des espérances qu’il a su faire partager, mais plus encore par une parole prégnante qui permet au poète d’atteindre la juste mesure de vérité touchant à l’universel. Pétrie d’oralité, incandescente, syncopée, toujours travaillée avec la minutie d’un artisan créateur, la langue d’Abdellatif Laâbi tranche à l’arrivée par cette simplicité déconcertante grâce à laquelle on reconnaît qu’une voix singulière hante à son tour les sentiers de l’aventure ininterrompue de la poésie.
Ecris la vie
Editions de la Différence, 2005.
Repris dans Œuvre poétique II.
Ruses de vivant
Accompagné de dessins de Mohammed Kacimi, Al Manar, 2004.
Repris dans Œuvre poétique II.
Graphismes de Mohammed Kacimi, poèmes d’Abdellatif Laâbi ? Pas si simple. Livre certes d’amitié et de ferveur mais hélas entre sa conception, au début de 2003, et sa réalisation, à la fin de cette même année, Kacimi, l’ami et le complice, a décidé d’aller habiter un autre règne, celui justement que le poète inlassablement interroge, scrute, redoute. Mais, juste avant de faire le grand saut, il a eu le temps d’illustrer ou plutôt d’ébaucher la marque d’une interrogation jumelle. De ce dialogue, « ce livre, note Laâbi, ne présente que l’ébauche. Mais ce que [Kacimi] a réussi à exécuter auparavant (reproduit ici intégralement) nous saute à la gorge et nous éblouit. C’est comme si, dans une dernière envolée de tout son corps et son esprit, Mohammed Kacimi avait réussi enfin à traverser le mur de la lumière ».
Jean-Luc Wauthier
Le Journal des poètes
Les Fruits du corps
Editions de la Différence, 2003. Repris dans Œuvre poétique II.
D’aucuns s’étonneront de cette veine érotique chez un poète dont ils ont eu tendance à réduire l’œuvre à l’expérience de l’enfermement et aux accents de la profération. Peut-être m’ont-ils mal lu jusqu’à maintenant ou m’ont-ils lu selon ce qu’ils attendaient de moi. Pourtant, imprévisible, je le suis depuis longtemps, non par coquetterie intellectuelle, mais par déontologie oserais-je dire : remise en question permanente, quête de formes nouvelles, exploration minutieuse de l’inépuisable champ de la littérature.
Qu’on ne fasse donc pas semblant de s’étonner. Avec Les Fruits du corps, impossible de passer à côté de l’un des leviers de ma propre matière littéraire : l’amour dans toutes ses acceptions, l’appréhension sensible et sensuelle des êtres et de tout ce qui peuple l’univers. Ce livre se dresse contre l’hypocrisie et le consumérisme. Il chante à voix basse l’apothéose de l’union des corps, dans la douce-violente folie d’aimer.
L’automne promet
Editions de la Différence, 2003. Repris dans Œuvre poétique II.
Ecrit entre 1999 et 2002, L’automne promet se déroule comme un journal intime et public à la fois. Cette forme souple et inhabituelle en poésie m’a permis de mettre en correspondance dans un nouveau registre deux éléments permanents de ma démarche : la quête intérieure et le souci de la condition humaine. Les interrogations sur l’identité, l’exil, le sens d’une vie sont ainsi situées dans l’espace et le temps. L’histoire immédiate avec son cortège d’incursions barbares relie ces questionnements à la marche de l’humanité, à ses impasses et aux menaces qui pèsent sur elle. Mais dans ce recueil, l’ironie, parfois l’autodérision, sont là pour maintenir la lucidité qui reste compatible avec l’espoir.
Petit Musée portatif
Avec des dessins de Abdallah Sadouk, préface de Françoise Ascal, Al Manar, 2002.
Réédition : 2018.
Parmi les objets élus, très peu relèvent de l’enfance, ou de l’héritage, au sens propre du terme. Ils ont essentiellement partie liée avec l’âge adulte et sa liberté. Ils ont été découverts et choisis en complicité avec la femme aimée. Ou bien des artistes-amis les offrirent. Ils jalonnent une vie de partage. Ensemble ils ont traversé les épreuves, connu les mêmes errances, voyagé de concert.
Abdellatif Laâbi n’a cure de la frontière entre artisan et artiste. Il salue et élève au rang d’œuvre d’art un encrier de terre cuite, un coussin, une chaise ancienne, objets que nul ne songeait à célébrer dans les années soixante, sous la poussée aveuglante du « modernisme » obligé.
Françoise Ascal (extrait de la préface)
Poèmes périssables
Editions de la Différence, 2000. Repris dans Œuvre poétique II.
Quel est ce périssable, en poésie, qui la met au niveau de toutes les autres œuvres humaines ? Même si la question n’est pas formulée, le facétieux du titre en tient lieu.
Après Fragments d’une genèse oubliée, poème-livre au souffle épique, disons-le sans rougir, j’ai éprouvé le besoin de souffler, de ramener la parole au registre du murmure, du bruissement de l’être, de serrer la vision pour la braquer sur tous les éphémères. Ayant lu ce recueil, une amie (Huguette Devalière) m’a écrit ceci, qui me comble par sa complicité :
« L’art de la phrase coupée en quatre. Quelques mots à peine cuits autour d’un émincé d’idée débarrassé de toute matière grasse… Il y a comme une urgence de l’époque à sauver les insignifiances, les plaisirs minuscules, les destins ordinaires. On est devenu des ramasseurs de miettes, on picore dans l’angle aigu de l’âme. On rassemble la glanure des frissons, des sensations élémentaires, des joies simples qu’on s’applique à moudre en farine légère… On en a fini avec toutes les vastitudes où l’humanité s’est fourvoyée. On revient aux valeurs sûres : les fourmis, les petits pois, la naissance des seins. On suit les cailloux blancs d’un sentier qui ramène à la maison. On a dix mille ans dans les jambes. »
Fragments d’une genèse oubliée
Paroles d’aube, 1998. Repris dans Œuvre poétique II.
Je n’ai pas envie de défendre, encore moins d’expliciter ces Fragments d’une genèse oubliée, de participer à cette supercherie qui consiste à faire croire que le poète est maître à bord de ses écrits, qu’il en détient toutes les clés et peut à loisir en dévoiler les arcanes.
Il arrive qu’un poète se trouve désemparé devant le texte qu’il vient d’achever au lieu d’en ressentir quelque soulagement ou plaisir. Ce sentiment est encore le mien aujourd’hui.
Je sais par contre que ce livre m’a déjà poussé vers d’autres territoires de l’écriture où la quête de soi et du monde ne pourra qu’être plus exigeante. Il a donc réalisé son effet d’ébranlement.
Avis au lecteur qui cherche dans un texte autre chose que la confirmation ou le bercement.
Le Spleen de Casablanca
Editions de la Différence, 1996. Repris dans Œuvre poétique II.
L’Etreinte du monde
Editions de la Différence, 1993. Repris dans Œuvre poétique II.
Le soleil se meurt
Editions de la Différence, 1992 . Repris dans Œuvre poétique II.
Tous les déchirements
Avec dessins originaux de Jean Bazaine, Messidor, 1990 (épuisé).
Repris dans Œuvre poétique I.
L’Ecorché vif
L’Harmattan, 1986 (épuisé).
Repris en partie dans Œuvre poétique I, et dans Pourquoi cours-tu après la goutte d’eau ?
Discours sur la colline arabe
L’Harmattan, 1985 (épuisé). Repris dans Œuvre poétique I.
Sous le bâillon le poème
L’Harmattan, 1981 (épuisé). Repris dans Œuvre poétique I.
Histoire des sept crucifiés de l’espoir
La Table rase, 1980 (épuisé). Repris dans Œuvre poétique I.
Le Règne de barbarie
Editions du Seuil, 1980 (épuisé). Repris dans Œuvre poétique I.