Ce n’est pas une affaire d’épaules
ni de biceps
que le fardeau du monde
Ceux qui viennent à le porter
sont souvent les plus frêles
Eux aussi sont sujets à la peur
au doute
au découragement
et en arrivent parfois à maudire
l’Idée ou le Rêve splendides
qui les ont exposés
au feu de la géhenne
Mais s’ils plient
ils ne rompent pas
et quand par malheur fréquent
on les coupe et mutile
ces roseaux humains
savent que leurs corps lardés
par la traîtrise
deviendront autant de flûtes
que des bergers de l’éveil emboucheront
pour capter
et convoyer jusqu’aux étoiles
la symphonie de la résistance
Vaccin
Paris Orly
Tu es aux premières loges
du tapis roulant
à guetter la valise rouge
que tu as étrennée pendant ce périple
Quand elle sort après longue attente
tu as de la peine à la reconnaître
On dirait qu’elle a traversé
les boyaux d’une mine de charbon
De plus elle est toute déglinguée
Quel inquisiteur s’est plu
à la visiter sans aménité
alors que tu avais mis tes poèmes
à l’abri dans ton bagage à main ?
Allons, arrête ton cinéma
te ravises-tu
l’inquisition d’aujourd’hui enfile des gants
et utilise les rayons
Elle a d’autres martels en tête
Toi, tu t’es rasé la barbe à temps
et ne penses plus que la révolution
est pour demain
Après-demain peut-être, si tu réussis
à mettre au point
dans ton laboratoire secret
un vaccin de cheval
contre la bêtise triomphante
(Éditions de la Différence, 2008)