ÉCRIS LA VIE

(Copyright © 2004)

La terre est si patiente
Elle attend son chantre
qui tarde un peu
puis se présente
Beau flatteur
il se fait vite pardonner
C’est qu’il est un peu musicien
et peintre mettant la main à la pâte
avec des mots
qui connaissent le chemin du cœur
Le voici
entonnant avec des accents sincères
sa vieille antienne
que la terre fait semblant
d’entendre
pour la première fois

La vie s’ingénie
aux offrandes inestimées
et pour les recevoir de sa main
mieux vaut être averti
de l’intention
du code de la cérémonie
des ablutions morales
devant être accomplies
des mots de trop
— comme ces stupides merci —
de la délicatesse du geste
et de la révérence digne
Et puis
au moment de se retirer
surtout ne pas se précipiter
comme ces vainqueurs qui n’ont d’autre hâte
que d’aller exhiber à la foule des frustrés
leur trophée

C’est une maison
où nous avons reçu à profusion
la saveur et l’odeur des êtres
les couleurs tactiles des éléments
la beauté pudique des arbres
Nous y avons mangé de préférence
avec l’étranger
bu avec le commensal le plus désespéré
et veillé de nuit comme de jour
avec nos fantômes avisés
Nous y avons conçu les enfants libres
de nos rêves
Tout cela
en gardant une oreille suspendue à la porte
pour capter les pas hésitants
de l’inespéré

(Editions de la Différence, 2005)