LE SOLEIL SE MEURT

(Copyright © 2004)

Qui parle
de refaire le monde ?
On voudrait simplement
le supporter
avec une brindille
de dignité
au coin des lèvres

L’époque est banale
moins étonnante que le tarif d’une prostituée
Les satrapes s’amusent beaucoup
au jeu de la vérité
Les déshérités se convertissent en masse
à la religion du Loto
Les amants se séparent
pour un kilo de bananes
Le café n’est ni plus ni moins amer
L’eau reste sur l’estomac
La sécheresse frappe les plus affamés
Les séismes se plaisent à compliquer
la tâche des sauveteurs
La musique se refroidit
Le sexe guide le monde
Seuls les chiens continuent à rêver
tout au long des après-midi et des nuits

Il y aura une grande attente
avant la dite résurrection
Et le fils de l’homme
rendu à l’illusion
s’écriera : Qu’ai-je ?
Et les anges
peseurs du bien et du mal
s’écrieront : Qu’a-t-il ?
Et le ciel restera muet
comme au temps de la grande attente

Il y aura ce grand feu de veille
qui éloigne les fauves
et rassemble ceux
qui vont découvrir l’outil
Et le griot aux paroles qui blessent
se lèvera et frappera sept coups
au gong en bois de la mémoire
Et l’homme qui va faire fondre le métal
bondira et crachera au visage du griot
Et la femme aux sept maris reconnus
jettera au feu l’enfant disputé

(Éditions de la Différence, 1992)