Prose/Romans

La Fuite vers Samarkand

Récit, Le Castor Astral, 2021.
Couverture : Asrar, œuvre de Nja Mahdaoui (2015).

Une traversée jouissive, voire débridée de l’époque qu’il a été donné à l’auteur de vivre, y compris le dernier épisode : le drame pandémique que le monde a dû affronter. La question de la finitude y est subtilement abordée par le truchement du conte célèbre du soufi persan du XII° siècle, Fariduddine Attar. Et ce n’est pas la moindre originalité de Laâbi que de traiter cette question avec l’humour sans tabou qui est le sien, aggravé par ce qu’il appelle en conclusion du livre «l’insolence de la vieillesse».


Le Livre imprévu

Réédition poche, Editions Points, 2017.
Editions de la Différence, 2010.

Livre imprevu

 

Abdellatif Laâbi est un écrivain imprévisible. On dirait que sa devise est de ne pas être là où le lecteur l’attend. Le présent ouvrage en est la parfaite illustration. S’agit-il d’un livre de mémoires, d’un journal intime, d’une relation de voyages, d’un récit avec un dosage ingénieux d’autobiographie et de fiction de soi ? À moins qu’il ne s’apparente au genre des confessions, dans le sillage de Saint Augustin et de Rousseau ? Voilà autant de vraies-fausses pistes où Laâbi, le sourire en coin, engage le lecteur. Son souci ? Faire en sorte que ce dernier mette ses pas dans les siens, devienne témoin et partie prenante de la nouvelle aventure littéraire et humaine qu’il lui propose.
Imprévu, de l’aveu de l’auteur, ce livre interroge avec un humour parfois ravageur nos modes de perception, de lecture, et nos questionnements. Traversée fulgurante des saisons de la vie, quête spirituelle, témoignage à vif, il nous replonge (chose cette fois prévisible venant de Laâbi) dans les convulsions de notre époque et ses combats salutaires.


Pourquoi cours-tu après la goutte d’eau ?

Prosoèmes ; avec des dessins de Mahi Binebine, Al Manar, 2006.

Goutte

Laâbi livre ici un ensemble de textes, à mi-chemin de la prose et de la poésie — d’où leur appellation générique de prosoèmes —, qui témoigne de son engagement au service d’un humanisme poétique n’excluant ni vigilance ni fantaisie.


Le Fond de la jarre

Editions Gallimard, 2002 ; coll. Folio 5104, 2010.

Fondjarre

jarreLe Fond de la jarre est assurément le livre que j’ai écrit avec le plus de jubilation. Je le portais en moi depuis longtemps, et souvent je me suis demandé si j’allais pouvoir le réaliser. Le défi était rude : comment, au vu de l’abondante littérature autobiographique d’hier et d’aujourd’hui, faire œuvre imprévue, reliant d’une part le vécu à l’Histoire et à l’état de la société, et faisant place d’autre part à l’imagination sous la surveillance bienveillante de la mémoire ? La réponse est survenue grâce au ton qui s’est imposé presque naturellement, tendrement ironique, facétieux à souhait, servi par une langue française accueillant pour l’occasion à bras ouverts ma langue natale, celle populaire de la ville de Fès. Du coup, la « comédie humaine » dont j’ai été, enfant, l’un des protagonistes, pouvait être rejouée (avec tambours et trompettes, c’est le cas de le dire) à plus d’un demi-siècle de distance, probablement pour une ultime représentation. Le Fond de la jarre en est l’enregistrement, et le « master », comme on dit en jargon technique. Alléluia, l’humanité de mes origines est ainsi sauvegardée, joyeusement !


Les Rides du lion

Messidor, 1989.
Editions de la Différence, «Minos», 2007.
Couverture : peinture de Mahi Binebine ; édition revue par l’auteur.

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Le Chemin des ordalies

Editions Denoël, 1982.
Editions de la Différence, «Minos», 2003 ; édition revue par l’auteur.

ordalies

Nous sommes au Maroc, en 1980. L’homme qui parle dans ce récit sort de prison. Sa voix est celle d’un être dédoublé : d’une part, l’ancien prisonnier qui garde en lui, inoubliable, le souvenir de l’univers carcéral ; d’autre part, le détenu à peine libéré qui retrouve l’espace, la lumière, ses semblables, qui s’étonne, s’émeut, se réinsère peu à peu dans le mouvement du siècle. Qui a retrouvé aussi sa femme, la fidèle compagne lointaine des années sombres, et c’est l’occasion pour l’auteur, dans un tout autre registre, de doubler sa narration de pages lyriques d’une force contenue exceptionnelle.
« Maître de son art, Laâbi met à nu notre désir inavouable d’en savoir plus sur la souffrance des autres, et nous confronte à nos misérables habitudes de lecteur frivole en explorant simultanément les ténèbres et la lumière aveuglante, en caressant d’une même main l’espoir et la désillusion, en traitant la chronologie comme matière convulsive. »

Le Nouvel Observateur


L’Œil et la Nuit

Editions Atlantes, Casablanca, 1969.
Editions de la Différence, «Minos», 2003 ; édition revue par l’auteur.

L'Oeil et la nuit

Si l’on excepte Le Règne de barbarie (recueil de poèmes écrit entre 1965 et 1967), L’Œil et la Nuit représente pour moi une sorte d’acte de naissance littéraire. Publié en 1969 au Maroc au moment où le mouvement de la revue Souffles battait son plein, ce livre a été un véritable manifeste. Par sa forme comme par son contenu, il opérait une subversion dans le champ littéraire de l’époque et poussait sans ménagement l’expérience de l’écriture au seuil de l’inconnu. Aventureux, orphelin de modèles, je pense qu’il a contribué à l’œuvre de décolonisation culturelle et permis à la littérature marocaine de s’insérer sans complexe dans l’aventure de la modernité. Si j’en parle ainsi (sans fausse modestie), c’est qu’aujourd’hui je suis en mesure d’être aussi un lecteur comme les autres de ce récit.