dossier
pp. 7-8
le festival culturel panafricain d'alger 1969Il est évident que depuis sa tenue en juillet 1969 à Alger, le premier Festival Culturel Panafricain n'a pas encore, d'une part suscité l'intérêt qu'il aurait normalement mérité, et d'autre part fait l'objet d'un bilan critique sérieux et approfondi.
En dehors de reportages quasi-publicitaires, d'articles sèchement informatifs ou réactions orales violentes, aucune prise de position individuelle ou collective n'est venue rendre compte du retentissement continental et international de ce Festival et de l'ampleur des problèmes qui y ont été débattus.
En outre, on est bien obligé de constater que les nombreuses résolutions contenues dans le Manifeste final du Congrès sont restées, jusqu'à nouvel ordre, lettre morte.
On attend toujours d'ailleurs la publication des actes du Festival (interventions des délégations nationales au Symposium sur la Culture Africaine, interventions des différents hommes de Culture invités aux travaux des commissions du Symposium - Compte-rendus divers, etc...) et la distribution de ce document de base dans tous les pays africains.
Huit mois après, l'équipe de SOUFFLES dont quelques membres ont suivi à Alger les différentes manifestations du Festival, a jugé nécessaire de faire le point de cette manifestation avec l'objectivité militante, qui a toujours été à la base de sa réflexion et de son action culturelles.
Nous disons bien objectivité militante. Car nous ne nous sommes pas déplacés à Alger pour chercher n'importe quelle communion émotionnelle ou pour vérifier des idées fixées d'avance. Nos positions sur les problèmes de la culture comme notre action concrète sont connues. Ne nous intéressent réellement que les idées, les décisions, les réalisations qui brisent sans aucune ambiguïté le cercle vicieux des aliénations subtiles entretenues encore dans nos pays par le néo-colonialisme et qui ouvrent une voie claire à l'entreprise de libération de nos peuples sur le plan culturel et politique.
Les idées mystiques d'unité, de pigmentation, de conditions communes n'ont de sens pour nous et ne sont cohérentes que si elles posent les fondements réels à partir desquels partirait notre contestation de la culture occidentale, de la négritude, notre lutte anti-impérialiste — ou tout autre point de ralliement.
Or à Alger, dans le flux certes émouvant des retrouvailles africaines et des chaudes amitiés, dans le flot aussi des interventions et des manifestations de toutes sortes, on a eu tendance à user trop de formules de courtoisie, à chercher à juste titre bien sûr, les éléments d'union, mais en éludant malheureusement certains principes qui devraient, quelles que soient les circonstances, rester fermement présents à l'esprit de vrais militants de la culture africaine.
Pouvait-on d'ailleurs s'attendre à plus que ce que nous a donné et révélé ce festival ? Nous pouvons répondre que non.
Les pays participants étant représentés par des délégations officielles et malgré la présence de militants de la culture invitobtenue re individuel, on peut dire que la somme idéologique et culturelle obtenue était à l'image des contradictions de l'Afrique officielle et des clivages insurmontables existant entre les régimes africains.
Il y avait là un dilemme que les organisateurs du Festival ont préféré peut-être contourner. Le Festival Panafricain de la Culture n'a-t-il pas souffert de toutes les ambiguïtés caractérisant les organismes dépendant de l'O.N.U. ?
Tous ceux qui sont concernés par l'avenir de la culture africaine se doivent de poser ces questions et de s'interroger sur beaucoup d'autres.
Aussi, la publication de ce modeste dossier a-t-elle essentiellement pour but de remettre en mémoire les grandes lignes de cette manifestation et de permettre au lecteur maghrébin d'avancer le débat auquel elle a donné lieu.
En publiant le « Manifeste Culturel Panafricain », nous avons voulu attirer l'attention sur les engagements qui y ont été pris. Globalement, ces engagements sont positifs. Ce qu'on est en droit d'attendre, c'est leur mise en application. Nous avons choisi parmi les différentes interventions au Symposium sur la Culture Africaine, celles de la délégation de Guinée, de la délégation des colonies portugaises et l'intervention de l'écrivain haïtien René Depestre. Ceci en fonction de leur immense intérêt. Ce choix a évidemment un sens. Il y a eu des dizaines d'interventions au cours de ce symposium mais qui sortaient très peu des chemins battus ou parfois qui présentaient des démarches rétrogrades.
Nous avons tenu à publier un ensemble de textes à partir des manifestations cinématographiques du Festival. La découverte du cinéma africain à Alger ne devait pas être passée sous silence. En publiant aussi le Manifeste en 10 points des Blacks Panthers et l'analyse de A. Serfaty, nous avons voulu rendre hommage à ce mouvement d'avant-garde populaire et anti-impérialiste qui fut représenté au Festival.
Il ne nous est guère possible d'aborder dans ce numéro les autres manifestations, comme l'exposition des peintres africains, les représentations théâtrales, les ballets, la musique populaire et moderne. Nous avons dû nous limiter (1) - (2).
Enfin, à Alger, nous avons rencontré en dehors des manifestations des intellectuels militants du Proche-Orient arabe, d'Afrique et d'Amérique Latine. Ces rencontres nous ont permis de confronter nos expériences et de jeter les bases d'un dialogue qui se concrétisera progressivement dans SOUFFLES.
De notre côté, nous n'avons manqué aucune occasion, aucune rencontre pour faire connaître à tous nos interlocuteurs les réalités nationales concrètes et la nature de notre propre combat, partie intégrante du combat arabe et africain.
SOUFFLES
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(1) A ce propos et en ce qui concerne le théâtre, il est difficile de passer sous silence la participation marocaine : « La Répétition des moutons » de A.T. Laalj et T. Seddiqi. Monsieur Seddiqi n'a pas encore manqué l'occasion de tenter de duper le public maghrébin et africain en présentant une version soi-disant « progressiste » de sa pièce. Le public marocain attend toujours de voir « La Répétition » même si elle devait être « expurgée » et présentée après « auto-censure ». Précisons que cette pièce n'a trompé personne au Festival d'Alger et que le mythe de Seddiqi progressiste et homme de théâtre d'avant-garde en dehors du Maroc n'est plus qu'une légende.
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(2) Signalons aussi et dans un tout autre domaine, l'absence au Festival d'Alger de toute manifestation ayant trait à la poésie africaine. On est en droit de se demander pourquoi un secteur aussi important de la création culturelle a été écarté.
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